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L'ASCENSION  DU  CARMEL
SUR LES AILES DE L'ESPRIT

Les Sites Religieux du Mont Carmel


Les traditions et légendes locales relient particulièrement le Prophète Elie avec quatre sites de la chaîne montagneuse du Mont Carmel, qui s’étire sur 25 km de long et 6 km de large : la caverne basse creusée à la base occidentale du promontoire, la caverne haute située sur l’esplanade du promontoire, la source d’Elie située à l’entrée de la vallée du Wadi ’ain es-Siah, et le point culminant (482m) du Carmel appelé en arabe El-Muhraqa.

a ) Le Sommet : El-Muhraqa

Le sommet du Mont Carmel est traditionnellement lié au lieu de la défaite des prêtres de Baal par le prophète Elie (El-Muhraqa = le lieu du sacrifice). On y trouve un monument mégalithique constitué d’un cercle de 12 grandes pierres avec au centre une citerne creusée dans la roche, qui était un lieu de pèlerinage pour les hébreux. A l’époque byzantine, des moines y habitaient dans les grottes environnantes, puis les arabes y érigérent un petit sanctuaire dont les ruines furent visibles jusqu’au 19ème siècle. Au sommet du mont s’élève actuellement une chapelle dédiée à Saint Elie, devant laquelle se dresse la statue du Prophète.

b ) La Caverne Haute :

L’historien romain Tacite rapporte que le Mont Carmel fut un haut lieu religieux depuis la haute antiquité et probablement lié au culte du Baal Hadad du Carmel. Certaines légendes assurent même que Pythagore aimait se retirer sur le Mont Carmel pour y méditer (Encyclopaedia Universalis Vol 4 p.1024). A l’époque romaine, le culte de Jupiter Carmelus Heliopolitanus y fut apparemment célébré. La caverne haute est mentionnée pour la première fois par des auteurs byzantins en rapport avec le monastère de Sainte Marguerite construit durant le 5ème ou 6ème siècle, et détruit par les perses de Khosro II Parvez en 614.

c ) La Source d'Elie :

Des recherches archéologiques récentes ont mis à jour les imposants vestiges d’un monastère avec ses dépendances et d’une chapelle près de la source d’Elie qui jaillit dans la vallée du Wadi ‘ain es-Siah. Il s’agit probablement des ruines du premier monastère érigé par les ermites latins, et en faveur duquel le pape Urbain IV publia en 1263 un bulle recommandant aux fidèles de contribuer financièrement à la construction.

d ) La Caverne Basse :

La caverne basse, surnommée "l’école des prophètes", renferme plusieurs centaines de graffitis grecs païens datant probablement du 2ème siècle av. JC et témoignant qu’à l’époque hellénique elle a pu être le centre d’un culte dédié à Adonis ou Tammuz et lié à la fertilité. Au 1er siècle de l’ère chrétienne, Vespasien, alors commandant en chef des légions romaines durant la guerre contre les juifs, y fit pratiquer des sacrifices pour savoir si les augures étaient favorables à ses visées impériales. Au 6ème siècle, les byzantins édifièrent sur ce site le monastère de Saint Elie, en même temps que celui de Sainte Marguerite sur l’esplanade du promontoir. Puis une petite église fut ensuite construite à l’extérieure de la caverne durant les croisades et dans le flanc gauche de cette grande caverne fut creusé un oratoire dédié à la Madonne, car selon la légende la Sainte Famille y aurait passé une nuit en revenant de son exil en Egypte. L’époque arabe apporta de nouvelles légendes concernant El-Khader ( "le Vert" ou l’Immortel ) et la vénération du site par les druzes et les arabes. Après avoir été un sanctuaire successivement païen, chrétien et musulman, cette grande caverne d’Elie longtemps négligée des juifs est aujourd’hui transformée en synagogue.

Dans son "Voyage en Orient", l’écrivain français Lamartine, écrivit en date du 22 octobre 1832 : "Journée de repos passée au monastère du mont Carmel ou à parcourir les sites de la montagne et les grottes d’Elie et des prophètes. La principale de ces grottes, évidemment taillée de main d’homme dans le roc le plus dur, est une salle d’une prodigieuse élévation ; elle n’a d’autre vue que la mer sans bornes, et on y entend d’autre bruit que celui des flots qui se brisent continuellement contre l’arrête du cap. Les traditions disent que c’était là l’école où Elie enseignait les sciences des mystères et des hautes poésies. L’endroit était admirablement choisi, et la voix du pieux prophète, maître de toute une innombrable génération de prophètes, devait majestueusement retentir dans le sein creusé de la montagne qu’il sillonnait de tant de prodiges et à laquelle il a laissé son nom." ( cité dans : Carmel, le mont du retour p.15)

Histoire de l'Odre Monastique du Carmel

a ) Les Premiers Ermites Latins

Les premières notices historiques sur la réunion d’ermites latins au Mont Carmel se trouvent dans le livre du moine grec Phocas, rédigé en 1185 ( P.G. t.CXXXIII Acta Sanctorum t.II maii p.I-VIII, cité dans le Dictionnaire de Théologie Catholique ). Après avoir donné quelques informations sur la montagne sainte, Phocas écrit : "En cet endroit, il y eut autrefois un grand édifice dont les ruines existent encore ; le temps qui n’épargne rien et les invasions ennemies l’ont presque entièrement détruit. Depuis peu de temps, un moine aux cheveux blancs, revêtu de la dignité sacerdotale et venu de Calabre, fixa sa demeure à la suite d’une vision du prophète Elie, dans les masures de cet édifice ; il y construisit un petit rempart avec une tour et une chapelle et réunit environ dix frères autour de lui ; il y habite encore aujourd’hui".

Pour sa part, Benjamin de Tuleda, qui visita les lieux saints en 1163, rapporte qu’en son temps il existait déjà une chapelle près de la grotte d’Elie, bâtie en l’honneur du prophète par deux fils d’Edom (c’est ainsi qu’il désignait les fondateurs Aymeric de Malifaye et Berthold de Solignac).

Et Jacques de Vitry, évêque de Saint Jean d’Acre, écrit vers 1220, que "d’autres ermites, à l’exemple et à l’imitation du prophète Elie, homme saint et solitaire, vivaient dans la retraite sur le Mont Carmel, principalement dans cette portion de montagne qui domine la ville de Porphyre appelée aujourd’hui Caïffa ( Haïfa ); ils habitaient de petites cellules dans les rochers, auprès de la fontaine d’Elie, et non loin du monastère de la bienheureuse Marguerite, tels que des abeilles du Seigneur, faisant un miel d’une douceur toute spirituelle". ( Histoire des Croisades 1829 p.89 et suivantes, cité dans le Dictionnaire de Théologie Catholique )

Les fouilles archéologiques effectuées sur le Mont Carmel font penser qu’à l’époque des croisades le couvent originel des ermites latins se trouvait à côté de la source d’Elie, à l’entrée du vallon du Wadi ‘ain es-Siah, alors que l’esplanade du promontoir était plutôt occupée par les moines grecs orthodoxes qui reconstruisirent un petit monastère sur les ruines de l’ancien.

N’ayant pas de saint fondateur comme les autres congrégations, les ermites du Mont Carmel se consacrèrent à la Vierge Marie et firent remonter leurs origines à Elie et Elisée par une succession ininterrompue d’anachorètes considérés comme les "Carmes de l’Ancienne Alliance" (Hb 11/37-38), tels que les esséniens et les thérapeutes dont parlèrent Pline l'Ancien, Flavius Josèphe, Philon d'Alexandrie et Eusèbe de Césarée. La tradition carmélitaine donne au fondateur historique de la congrégation des ermites du Mont Carmel le nom de Berthold de Solignac (+1198), qui aurait été parent d’Aymeric de Malifaye, patriarche latin d’Antioche (1141-1193 ?).

Son successeur, Broccard, demande et obtient vers 1207 du patriarche latin de Jérusalem, Saint Albert de Verceil, une règle très courte et mieux adaptée à leur vie érémitique et contemplative que la règle de Saint Augustin apparemment suivie jusqu’alors. Dans cette règle originelle, il est ordonné "d’avoir un prieur, d’avoir des cellules séparées les unes des autres, d’y demeurer et d’y vaquer jour et nuit à l’oraison, d’y réciter les Heures ou des Pater, si l’on ne sait pas lire, de bâtir un oratoire au milieu des cellules pour y entendre la messe en commun chaque matin, de tenir chapitre chaque dimanche, de jeûner de l’Exaltation de la Sainte Croix à Pâques, de faire abstinence perpétuelle, de travailler de ses mains, de garder le silence de Vêpres à Tierce du jour suivant". ( Bruno de Jésus-Marie, Etudes Carmélitaines XX p.6-7, cité dans le Dictionnaire d'Histoire et de Géographie Ecclésiastiques )

Malheureusement, cette règle n’eut pas le temps d’être officiellement approuvée avant le 4ème Concile de Latran en 1215, qui interdit d’établir de nouveaux ordres religieux dans l’Eglise, et les ermites du Carmel furent contraints de lutter pour survivre face aux prélats de Terre Sainte qui contestaient leur existence en tant que congrégation. La confirmation tant attendue survint enfin le 30 janvier 1226, selon la légende après que le pape Honorius III eut été sévèrement admonesté par une apparition de la Vierge Marie, sous la protection de laquelle s’étaient placés les ermites du Carmel. Cette règle primitive fut de nouveau confirmée en 1229 par le pape Grégoire IX, qui interdit cependant aux Carmes de recevoir des biens immobiliers et des rentes, infléchissant ainsi l’évolution de l’ordre initialement érémitique en ordre mendiant.

Les Carmes ne se répandirent que très lentement en Terre Sainte et dès 1238, à la suite des revers militaires éprouvés par les Croisés, ils commencèrent d’essaimer en Occident. Bien qu’épargnés dans un premier temps par les musulmans, sans doute à cause de leur vénération pour le prophète Elie, les Carmes perdirent les uns après les autres tous leurs établissements de Palestine et de Syrie jusqu’à la prise de Saint-Jean-d’Acre avec le destruction finale du Monastère du Carmel et le massacres de tous ses moines en 1291. Cet événement tragique marqua la fin de la présence des Carmes en Orient pour plusieurs siècles.

b ) L'Ordre en Europe :

Replié en Europe, l’ordre se propagea rapidement à travers la chrétienté mais dut s’adapter aux conditions de vie occidentales et la règle fut modifiée par Saint Simon Stock, puis définitivement approuvée vers 1247 par une bulle du pape Innocent IV définissant l’appellation officielle des "Frères de Notre-Dame du Mont Carmel".

Le 2ème Concile de Lyon en 1274, qui supprima de nombreuses communautés, mis une nouvelle fois en péril l’existence de l’Ordre de Carmes, mais celui-ci survécut finalement grâce au soutient des papes Honorius IV et Boniface VIII. Les Carmes subirent l’influence des Dominicains et modelèrent leurs institutions sur les leurs, orientant leur ordre initialement mendiant et contemplatif vers l’enseignement et les missions.

Le pape Eugène IV se vit contraint d’adoucir en 1431 les rigueurs de la règle originelle, ce qui entraîna une scission entre les "observantins" et les "conventuels" ou "mitigés". La branche féminine des Carmélites fut fondée en 1451 par Jean Soreth, réformée par Sainte Thérèse d’Avila, puis approuvée par le pape Pie IV en 1562.

Pour palier les nombreux dérèglements survenus dans l’ordre monastique au fil du temps et retrouver l’esprit originel, une réforme fut effectuée en 1564 par Saint Jean de la Croix , selon les conseils et sous l’influence de Sainte Thérèse d’Avila. Ainsi furent fondés les "Carmes déchaux ou déchaussés", ainsi appelés parce qu’ils allaient pieds nus dans leurs sandales. Ces Carmes de la nouvelle observance furent affranchis de toute dépendance à l’égard de l’ancien ordre par le pape Clément VIII en 1593.

c ) Le Retour en Terre Sainte :

Malgré plusieurs tentatives au cours des siècles, l’ordre ne put reprendre définitivement pied sur le Mont Carmel que le 29 novembre 1631, lorsque l’émir Ahmed Turabay accorda au carme déchaux Prosper du Saint-Esprit ( Martin Garayzabal ) l’autorisation de reconstruire un couvent sur le Mont Carmel.

Celui-ci aménagea d’abord pour la vie communautaire quelques grottes situées aux alentours de "l’école des prophètes", mais dû bientôt chercher un autre emplacement à cause de l’hostilité des musulmans qui considéraient que ce sanctuaire était le leur. Il choisit et aménagea donc en couvent une autre grotte située plus haut sur la pente du promontoir et appelée la "grottes des disciples d’Elie", où les Carmes déchaux vécurent durant 130 ans.

Au terme d’une lutte d’influence contre les moines grecs orthodoxes et les religieux musulmans, les Carmes déchaux reçurent finalement en 1767 l’autorisation de reconstruire un monastère sur l’esplanade du promontoire, au dessus de la caverne haute d’Elie. Des rapports postérieurs aux croisades racontent que des visiteurs entraient dans cette caverne par le dessus pour voir le lit de pierre d’Elie. D’autres rapports du 17ème siècle indiquent que l’on creusa d’abord une fenêtre, puis une porte, et que finalement tout le pan rocheux occidental fut entièrement enlevé, y compris le passage par où Elie descendait probablement dans son lieu de retraite. Le carme déchaux Jean-Baptiste de Saint Alexis ( Bertoldo Antonio Gioberti ) reconstruisit de 1767 à 1774 un monastère avec une chapelle, dont le maître autel fut élevé à l’aplomb de cette grotte. Eglise et monastère furent dynamités en 1821 par Abdu’llah Pasha et reconstruits par le carme déchaux Jean-Baptiste du Très Saint Sacrement ( Charles Casini ) de 1827 à 1836. Le complexe actuel est communément appelé Stella Maris, d’après le nom du phare voisin construit en 1867.

La Voie Mystique du Carmel

Les hommes et les femmes qui suivirent la voie du Carmel le firent en réponse à une triple vocation : humaine, baptismale et monastique.

Une vocation humaine à la création en participant à l’œuvre de Dieu, pour que Son amour et Sa justice soient manifestées sur terre malgré le péché originel. La règle du Carmel rend obligatoire la travail manuel ou intellectuel pour participer à l’évolution du monde (Gn 2/15), gagner ses moyens de subsistance (Gn 3/19), et se tenir éloigné de l’oisiveté et des tentations du Malin. Mais ce travail doit être effectué en silence et dans un esprit de service pour devenir une ascèse conduisant à la liberté du corps, du cœur et de l’esprit sans laquelle il n’y a pas d’évolution spirituelle.

La vocation baptismale est de vivre en Jésus-Christ et de suivre son exemple avec foi et espérance. C’est cette foi qui guide l’amant à travers le vide et l’obscurité des sens et de l’esprit jusqu’à la beauté de l’Aimé, comme l’a décrit Saint Jean de la Croix dans ses œuvres mystiques "la Montée du Carmel" et "la Nuit Obscure", car Dieu est tellement lumineux qu’Il en devient pour nous ténèbres, "comme l’éclat du soleil aveugle la chauve-souris".

C’est cette foi qui justifie et permet de prononcer les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance de la vocation monastique. Cette démarche n’est pas une soumission passive à une contrainte extérieure mais un choix libre et conscient d’abandon à la volonté divine, dépouillant le cœur de tout ce qui n’est pas Dieu, le transformant en temple du Saint-Esprit. (1° Co 6/19-20)

La règle du Carmel tente d’harmoniser deux modes de vie apparemment incompatibles : la vie érémitique et contemplative d’une part, la vie cénobitique et apostolique d’autre part. Le silence quotidien, la solitude des cellules monacales et la clôture isolant le monastère du reste du monde permettent la vie de prière et de contemplation indispensable pour être à l’écoute du souffle divin, mais le véritable silence s’épanouit dans l’annonce de la Parole de Dieu (1° Rois 19/9-18), et la solitude authentique s’élargit en une communion mystique universelle. La vie du Carmel est une vie dans l’Eglise, avec l’Eglise, pour l’Eglise - ce "corps vivant" du Christ qui embrasse le monde entier dans l’universel - et les forces puisées dans la prière et la contemplation trouvent leur accomplissement dans la vie missionnaire et l’enseignement.

Ainsi vécurent les religieux du Carmel, générations après générations, contemplant et chantant les merveilles de Dieu, œuvrant pour qu’apparaissent enfin de "nouveaux cieux" et une "nouvelle terre" (Es 65/17-25, Ap 21/1-4), et priant pour que le Christ revienne bientôt "dans la gloire de son Père". (Mc 8/38)

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